Récemment deux jugements ont reconnu l’électrosensibilité comme un risque professionnel au titre d’un AT pour l’un et d’une MP pour l’autre.
Avant tout, il parait important de donner une définition de ce terme qui fait aujourd’hui encore débat dans le milieu médical. Selon, le dictionnaire Larousse, l’électrosensibilité est un "Ensemble des troubles physiques dus, selon la description des personnes atteintes, à une sensibilité excessive aux ondes et aux champs électromagnétiques ambiants."
Toutefois, il faut préciser que ce syndrome ne dispose pas aujourd’hui de définition scientifique. En effet, à ce jour, rien ne permet d’établir un lien de causalité entre l’électrosensibilité et l’exposition aux champs électromagnétiques. A l’inverse, rien non plus n’accrédite la piste psychosomatique. Aucune preuve donc mais aussi aucun diagnostic validé par la science. Sont en fait désignés comme électrosensibles ceux qui se déclarent l’être. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) le reconnaissait elle-même en 2005 au moment d’attester de l’existence de symptômes potentiellement graves, pouvant varier d’un individu à l’autre.
Malgré les difficultés relatives au diagnostic et à la définition du syndrome, nous avons pu voir que les magistrats ont décidé d’avancer sur ce sujet dans deux jugements.
Un jugement du 27 septembre 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles concerne le malaise au travail d’un salarié d’une entreprise de télécommunication. Le salarié diagnostiqué électrosensible en 2011 avait été maintenu à son poste malgré les recommandations de la médecine du travail de freiner son exposition aux ondes électromagnétiques.
Selon l'AFP, une première expertise médicale avait conclu à un malaise d'origine "psychiatrique" provoqué par des "troubles anxieux", sans rapport avec l'environnement au travail. Mais un second rapport, rédigé par un autre médecin, avait avancé que "les signes présentés lors de ce malaise pourraient être compatibles avec un malaise par hypersensibilité aux ondes électromagnétiques", assurant qu'on ne pouvait exclure "tout lien de causalité entre le malaise et le travail".
Au regard de la décision du tribunal, il apparait ici que le doute a profité au salarié qui suite à ce jugement va pouvoir bénéficier de la couverture relative aux risques professionnels.
Un second jugement concernant un agent de la fonction publique et rendu par le tribunal administratif de Cergy le 17 janvier 2019 reconnait cette fois ci l’électrosensibilité comme maladie professionnelle.
Embauché en 2007 comme technicien d’analyse, l’agent de la fonction publique est exposé à des champs électromagnétiques régulièrement dans le cadre de son activité professionnelle. Quelques mois après sa prise de fonction, le technicien constate une dégradation de son état de santé causée par des maux de tête des acouphènes ou encore des troubles du sommeil. Ce dernier sollicite alors son médecin qui reconnait l’aggravation de son état de santé mais qui refuse de l’imputer à ses conditions de travail.
Par la suite, plusieurs expertises sont diligentées et ces dernières concluent à la responsabilité des champs électromagnétiques. Des mesures effectuées révèlent un taux de champs électromagnétiques élevé, et par ailleurs aucune pathologie organique ne peut expliquer la dégradation de l’état de santé du technicien. Une expertise souligne que le spectromètre en question « représente une source d’exposition importante et suffisamment impactante pour que le caractère professionnel du syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques puisse être reconnu au salarié ».
Dans une décision du 1er juillet 2016, la direction de l’organisme qui emploie le technicien refuse malgré tout de reconnaître le caractère professionnel de sa pathologie. Le technicien décide alors de saisir le tribunal administratif. Ce dernier a rendu son jugement le 17 janvier dernier et il stipule qu’« en dépit de l’absence de consensus médical, en l’état des connaissances scientifiques, sur un lien de causalité entre les effets à long terme sur la santé et l’exposition aux champs électromagnétiques […] il existe une probabilité suffisante que l’hypersensibilité électromagnétique contractée par le requérant soit en rapport avec son activité professionnelle ». Le tribunal administratif impose à l’employeur de reconnaître le caractère professionnel de l’électrosensibilité du technicien.
Au regard de ces deux jugements, il apparait donc que la justice et la médecine avancent chacune indépendamment et à leur rythme mais que la protection des salariés reste la préoccupation majeure des magistrats qui privilégient la reconnaissance du caractère professionnel du syndrome dans la mesure où il n’est pas possible d’exclure tout lien avec le travail et cela même si le lien de causalité n’est pas clairement établi.
Il ne faut pas douter que ce sujet de l’électrosensibilité devrait continuer à faire parler de lui dans les mois et les années à venir. Ainsi, des précautions et mesures doivent être prises dès aujourd’hui par les entreprises ou organismes exposant leurs collaborateurs à des champs électromagnétiques afin d’éviter un éventuel développement de ce syndrome ou une augmentation des demandes de reconnaissance du caractère professionnel.