Par un arrêt du 1er juin 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation infléchit sa jurisprudence sur la responsabilité de l’employeur en cas de faits de harcèlement moral.
Jusqu’à présent, la Cour de cassation appliquait rigoureusement le principe rappelé par l'attendu suivant : « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements » (Cass. Soc. 3 février 2010, n° 08-44019 ; Cass. Soc. 19 novembre 2014, n° 13-17729).s
Une première décision en date du 3 décembre 2014 pouvait laisser présager une évolution de la jurisprudence dans une affaire où les magistrats avaient considéré que l’employeur justifiait avoir tout mis en oeuvre pour que le conflit personnel de la victime avec une autre salariée puisse se résoudre au mieux des intérêts de l’intéressée, en adoptant des mesures telles que la saisine du médecin du travail et du CHSCT et en prenant la décision au cours d’une réunion de ce comité de confier une médiation à un organisme extérieur.
Mais surtout, la Cour de cassation, avec un arrêt du 25 novembre 2015, a admis que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.
Logiquement; dans le prolongement de cet arrêt, la Cour de cassation fait donc évoluer sa jurisprudence en matière de harcèlement moral, en posant désormais le principe : « Attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ».
Cela ne signifie cependant pas que la situation devient facile pour l'employeur !
Dans cette affaire l’employeur justifiait en effet avoir :
- Modifié son règlement intérieur pour y insérer une procédure d’alerte en matière de harcèlement moral ;
- Mis en oeuvre dès qu’il a eu connaissance du conflit personnel du salarié avec son supérieur hiérarchique direct une enquête interne sur la réalité des faits ;
- Mis en œuvre une réunion de médiation avec le médecin du travail, le DRH et 3 membres du CHSCT au cours de laquelle il a été décidé de confier au DRH une mission de médiation pendant 3 mois entre les deux protagonistes.
Pour la Cour de cassation, ces mesures n’étaient pas suffisantes : « en statuant ainsi, sans qu’il résulte de ses constatations que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, avait mis en oeuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
De fortes exigences demeurent donc.
Elles sont non seulement liées à l'obligation d'une réaction immédiate, mais également à la mise en oeuvre effective d'actions de prévention.