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Fiche pratique

CSE

CSE – Recours à l’expertise

Date de création :
sans objet
Date de mise à jour :
octobre 2022

Synthèse :

Le CSE peut faire appel à un expert certifié quand un risque grave est constaté dans l'établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

Le directeur d'établissement ou l'administrateur du groupement fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission, les frais de l'expertise sont à sa charge. En cas de désaccord entre les représentants du personnel (CSE) et le président de la formation spécialisée (généralement le directeur d’établissement) sur le recours à l'expert, une procédure à suivre est indiquée

Textes : Décret n° 2021-1570 du 3 décembre 2021 relatif aux CSE (Comités Sociaux d'Etablissement) - Décret n° 85-603 du 10 juin 1985 - Circulaire n° 12-016379-D du 12 octobre 2012

SOMMAIRE
Cas de recours à l’expertise
•    Principe
•    Jurisprudences
Procédure à suivre
•    Décision du CST
•    Choix et mission de l’expert
•    Désaccord entre les représentants du personnel (CSE) et le président de la formation spécialisée (Directeur d’établissement)

L’appel à expertise doit permettre au CSE d’analyser, avec un éclairage extérieur et indépendant, une situation de travail particulière et en devenir en cas de projet et ses conséquences sur la santé ou la sécurité des salariés.

Cas de recours à l’expertise

Principe


Lorsque la formation spécialisée ne dispose pas des éléments nécessaires à l'évaluation des risques professionnels, des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail, le président de la formation spécialisée (généralement le directeur d’établissement) peut, à son initiative ou à la suite d'un vote majoritaire favorable des membres de la formation, faire appel à un expert certifié dans les cas suivants (Décret n° 2021-1570 du 3 décembre 2021 relatif aux CSE, art. 51) :
1° En cas de risque grave avéré, révélé ou non par un accident de service ou par un accident du travail ou en cas de maladie professionnelle ou à caractère professionnel ;
2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail lorsqu'il ne s'intègre pas dans un projet de réorganisation de service.

Jurisprudences

Le cas du risque grave

Le texte distingue le cas où il y a réalisation du risque, c'est à dire la survenance d'un sinistre, du cas où le risque est simplement potentiel :

  • Lorsqu'un sinistre survient et qu'il affecte la santé d'un ou de plusieurs agents, le risque est réalisé. Le recours à l’expert revêt alors un caractère curatif. Il en va de même lorsqu'il y a défaillance ou dysfonctionnement d'installations qui exposent ou qui auraient pu porter atteinte à l'intégrité physique, à la santé ou à la vie des salariés (exemples : explosions, incendie, émanations toxiques, etc…) ;
  • Lorsque le risque est potentiel, cela recouvre néanmoins une situation pouvant occasionner dans l'établissement des possibilités sérieuses de préjudices. Cela suppose que soient clairement identifiés :
    • le danger,
    • le personnel exposé à ce danger,
    • les conditions d’exposition, qui permettent de faire redouter la réalisation d’un accident.

L'existence d'un risque grave a été admise par les tribunaux dans les cas suivants :

  • situation dans laquelle le médecin du travail a pris l'initiative de demander la convocation des membres du CHSCT, puis, au cours de la réunion du CHSCT, relaté avoir rencontré en consultation des salariés en grande souffrance au travail, se plaignant de subir des propos sexistes et des humiliations; ce témoignage du médecin du travail étant corroboré par les attestations produites par les membres du comité, et alors que les statistiques de l'employeur mettaient en évidence une augmentation des arrêts de travail pour maladie pour les six premiers mois de l'année (Cour de cassation, 17 février 2016, n° 14-22097) ;
  • mauvais fonctionnement des systèmes de climatisation et d'aération des locaux de l'entreprise, ayant donné lieu à huit signalements auprès du CHSCT ainsi qu’à une pétition signée par 67 salariés, tandis que deux salariés ont exercé leur droit de retrait et quatre autres produisent des attestations faisant état des maladies qu'ils subissent : asthme, rhinite, allergie pour laquelle le médecin constate la relation avec le travail (Cour de cassation, 9 juillet 2014, n° 13-14468) ;
  • situation de tension chronique extrême et persistante dans l'établissement révélée par des arrêts de travail répétés, des troubles psychologiques, des comportements proches du harcèlement moral et l’intervention des pompiers suite à la crise nerveuse aiguë d'une salariée, et ce, en dépit du plan d'action mis en œuvre par la direction (CA Versailles, 24 nov. 2004, n° 04/07486) ;
  • accident du travail consécutif à l'omission d'une manœuvre de précaution notoire par la victime de cet accident. Une telle situation n'atteste nullement d'une absence de risque mais révèle au contraire sa persistance, ce d'autant plus que le salarié concerné était expérimenté et qu'on aurait donc pu s'attendre à ce qu'il respecte des précautions élémentaires (CA Versailles, 11 oct. 1996, n° 95/5963);
  • nombre important de lombalgies et de tendinites et exposition d'un nombre élevé de salariés au bruit, dont une majeure partie est soumise à une surveillance particulière et à des examens complémentaires, des niveaux sonores supérieurs aux normes en vigueur ayant été relevés et des cas de surdité professionnelle étant régulièrement déclarés (CA Nancy, 25 juin 1996, n° 96/1630) ;
  • problèmes de fumées et de poussière, quand les mesures réalisées par l'APAVE montrent des résultats parfois très élevés du fait de l'insuffisance de la ventilation, et alors que l'employeur n'envisage que des travaux touchant à la ventilation générale, sans envisager la captation des fumées à la source, ni la réduction de leur quantité (Cass. soc., 19 déc. 1990, n° 89-16.091) ;
  • survenance de six incidents et de trois accidents dont un mortel en six mois intéressant tous des manutentions de charges (TGI Dijon, 16 janv. 1990) ;
  • problèmes d'insonorisation et d'émanation de produits toxiques constatés depuis plus de 2 ans par le médecin du travail et les représentants du personnel, même si les conséquences physiques ne peuvent être évaluées que de manière différée, l'employeur invoquant des études non achevées (TGI Lyon, 14 avr. 1989) ;
  • survenance de six accidents graves, dont plusieurs mortels, en 18 mois dans l'atelier des presses, l'employeur n'invoquant la mise en oeuvre d'aucun remède, ni de mesures préventives en cours (TGI Montbeliard, 25 sept. 1985).

L'existence d'un risque grave n’a pas été admise dans les cas suivants :

  • un sentiment diffus de crainte ou d'anxiété sur l'avenir de l'entreprise ou du ressenti sur les conditions habituelles d'organisation, de compétitivité et de management n'est pas un risque grave (CA Bourges, 3 mars 2011, n° 10/01306) ;
  • incident isolé contre une hôtesse de caisse ayant subi une fouille à corps par les services de police en raison d'un prétendu vol, dont il fut avéré qu'il s'agissait d'une dénonciation calomnieuse de la part de la cliente (CA Nancy, 1er juin 2010, n° 09/00183) ;
  • une simple considération générale relative à une dégradation des relations sociales au sein de l'établissement (CA Nancy, 6 mai 2010, nº 08/01007) ;
  • le suicide d'un salarié et les accidents de la circulation ayant touché plusieurs membres du personnel lors de leurs déplacements ne peuvent pas être considérés comme un risque grave, ne s’étant pas produits dans l'établissement (Cass. soc., 3 avr. 2001, n °99-14.002).

Le cas du projet important

Dès lors qu’un projet important va modifier les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail, le CHSCT dispose de la latitude de faire appel à un expert extérieur. Le rôle de l’expert consiste alors à permettre aux membres du personnel au CHSCT de mieux analyser les conséquences du projet sur l’hygiène, la sécurité, la santé et les conditions de travail.

Le recours du CHSCT à un expert n'est pas subordonné à l'impossibilité du CHSCT de trouver dans l'établissement la solution du problème posé auprès des services spécialisés de l'entreprise (Cass. soc., 23 janv. 2002, n° 99-21.498). Il est possible alors même que d'autres entreprises sont concernées par ces modifications (Cass. soc., 29 sept. 2009, n° 08-17.023). Il semble également possible quand bien même le projet pourrait avoir des conséquences positives sur les conditions de travail ou la santé des agents (Cass. crim., 7 mars 2000, n° 99-85385).

Le recours à un expert a été admis dans les cas suivants :

  • projet d'installation d'un boîtier électronique destiné à permettre la géolocalisation des véhicules des techniciens d'intervention auprès des clients (Cour de cassation, 25 janvier 2016, n° 14-17227) ;
  • projet de réorganisation important entraînant la disparition de la société appelée à devenir un simple établissement de la société absorbante, ainsi qu'une nouvelle organisation des établissements de la société d'origine et le transfert d'une partie de son personnel au profit d'une autre société relevant d'un autre groupe (Cass. soc., 29 sept. 2009, n° 08-17.023);
  • projet de mise en place d'un dispositif d'écoutes et d'enregistrements de chargés de clientèles, notamment destiné à l'évaluation professionnelle des salariés (CA Paris, 5 déc. 2007, n° 07/11402) ;
  • déménagement de 108 personnes vers d'autres étages du même immeuble, en majorité des ingénieurs dont le travail nécessite concentration et confidentialité, dans un nouvel agencement et avec un matériel radicalement différent. L'expert étudiera l'aménagement des locaux mis en service, leur adaptation aux besoins et leur conformité aux textes réglementaires et normatifs (CA Versailles, 17 déc. 2003, n° 03/00795) ;
  • harmonisation des horaires concernant des salariés en travail postés, liée à une modification du réseau de transport collectif, le médecin du travail ayant rappelé que le travail posté est en soi perturbateur des rythmes biologiques et ayant conclu qu'il était préférable de se rapprocher de ces rythmes biologiques (Cass. soc., 24 oct. 2000, n° 98-18.240) ;
  • projet de réduction du temps de travail, complétant un projet de restructuration de l'entreprise en vue du maintien des emplois (CA Paris, 31 mai 2000, n° 99/00242) ;
  • projet important entraînant des modifications dans les conditions de travail d'un nombre significatif de salariés, conduisant à des changements déterminants, notamment dans la mixité des compétences des agents de maintenance (CA Lyon, 25 mai 1998, n° 99/708254) ;
  • projet important de réorganisation de nombreux postes de travail, apportant une modification importante des conditions de travail, dans un atelier très sonore nécessitant un plan de prévention pour réduire le bruit, à la demande du médecin du travail et de l'inspecteur du travail (CA Nancy, 25 juin 1996, n° 96/1630).

Projets n’ayant pas été qualifiés de projets importants :

  • une baisse significative du chiffre d'affaires de l'établissement et la disparition de certaines productions attribuées à ce site, alors que cette situation est le résultat prévisible de la fin de certains marchés à quoi s'ajoutent les difficultés conjoncturelles affectant l'industrie automobile en Europe et notamment des marques françaises. En outre, s'il avait existé auparavant un projet de redéploiement industriel de l'activité, celui-ci avait suscité un important conflit social conclu par un protocole d'accord en 2009, complété par un avenant en 2010 aux termes duquel l'employeur s'était engagé notamment à ne pas remettre en cause la vocation industrielle du site jusqu'à fin 2015, et à maintenir sur le site un effectif de cent trente salariés (Cour de cassation, chambre sociale, 14 octobre 2015, n° 14-17224) ;
  • le déploiement de nouveaux logiciels et fourniture aux salariés occupant des fonctions de consultants dans les entreprises clientes des ordinateurs portables sans que ces modifications entraînent des répercussions importantes sur les conditions de travail de ces salariés en termes d'horaires, de tâches et de moyens mis à leur disposition (Cass. soc., 8 février 2012, n° 10-20.376) ;
  • l’implantation d'une version améliorée d'un logiciel déjà en application dans les unités d'intervention, et qui n'était susceptible d'avoir une influence sur les conditions de travail qu'en raison de l'apprentissage, d'une durée limitée, de cette nouvelle technique par les salariés concernés (Cass. soc., 4 mai 2011, n° 09-67.476) ;
  • la réorganisation des services des salariés permettant de remédier à certains dysfonctionnements sans répercussion importante sur les conditions de travail de ces salariés en termes d'horaires, de tâches et de moyens mis à leur disposition (Cass. soc., 4 mai 2011, n° 09-66.556) ;
  • le projet induisant un réaménagement de l’organigramme ainsi que la restructuration de l’encadrement et la simplification de la gestion dès lors qu’il n’emporte aucune transformation des postes de travail, aucun changement de métier, aucun nouvel outil (Cass. soc., 26 juin 2001, n°99-16.096) ;
  • la mise en place d’une infirmière au lieu d’une aide-soignante pour assurer le service de l’accueil des urgences et en la nomination d’une secrétaire médicale supplémentaire ne constitue pas une décision d’aménagement important si elle n’est pas rapportée à des conditions d’hygiène et de sécurité (Cass. crim., 27 sept. 1995, pourvoi n° 92-81.941).

 

Procédure à suivre

Décision du CSE


La demande de recours à l’expert doit être émise par un avis rendu par le CSE (voir articles 70 et suivants du décret n° 2021-570 sur les conditions de validité des délibérations du comité).
Il paraît souhaitable que l'avis rendu par le comité fixe le plus précisément possible le sujet visé par l’expertise. L’autorité territoriale pourra ainsi le cas échéant, en cas d’accord sur le recours à l’expertise, élaborer un cahier des charges correspondant à la demande du comité.

Choix et mission de l’expert

Le président de la formation spécialisée doit faire appel à un expert certifié conformément aux articles R. 2315-51 et R. 2315-52 du code du travail, à savoir une certification justifiant de ses compétences, délivrée par un organisme certificateur accrédité par le COFRAC (comité français d'accréditation) ou par tout autre organisme d'accréditation mentionné à l'article R. 4724-1.
Les frais d'expertise seront supportés par l'administration ou l'établissement dont relève la formation spécialisée.
Le directeur d'établissement ou l'administrateur du groupement doit fournir à l'expert les informations nécessaires à sa mission. Ce dernier est soumis à l'obligation de discrétion définie à l'article 73 du décret n° 2021-570.
Le délai pour mener une expertise ne peut excéder 45 jours à compter du choix de l'expert certifié.

Désaccord entre les représentants du personnel (CSE) et le président de la formation spécialisée (Directeur d'établissement)

Le président de la formation spécialisée (généralement le directeur de l'établissement) doit motiver substantiellement sa décision de refus de faire appel à un expert en cas de vote majoritaire favorable des membres de la formation. Cette décision est communiquée à la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.
En cas de désaccord sérieux et persistant entre les représentants du personnel et le président de la formation spécialisée sur le recours à l'expert certifié, la procédure suivante doit être mise en œuvre dans un délai de 45 jours (décret n° 2021-570, art. 51)
L'agent de contrôle de l'inspection du travail est obligatoirement saisi. Cette intervention donne lieu à un rapport adressé conjointement au directeur d'établissement ou à l'administrateur du groupement et à la formation spécialisée. Ce rapport indique, s'il y a lieu, les manquements en matière d'hygiène et de sécurité et les mesures proposées pour remédier à la situation.
Le directeur d'établissement ou à l'administrateur du groupement adresse dans les 15 jours à l'auteur du rapport une réponse motivée indiquant :
1° Les mesures prises au vu du rapport ;
2° Les mesures qu'elle va prendre et le calendrier de leur mise en œuvre.
Le directeur d'établissement ou à l'administrateur du groupement communique, dans le même délai, copie de sa réponse à la formation spécialisée.

 

 

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