Aux termes de l’article 222-33 du code pénal, repris par l’article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :
- le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui :
- soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ;
- soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
- est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers, voir la fiche pratique : "harcèlement sexuel".
Dans un arrêt du 18 novembre 2015 la chambre criminelle de la Cour de Cassation juge que les faits rapportés ci-après relèvent clairement de cette définition.
Mme N. Y... a indiqué aux enquêteurs qu’elle travaillait au Super U de V...en contrat à durée déterminée depuis le 26 novembre 2012 et que, dès le début, M. X... lui avait dit qu’elle était mignonne, qu’elle avait de beaux yeux et lui avait proposé d’aller prendre un verre après le travail ; que malgré ses refus réitérés, il avait renouvelé ses propos et ses invitations et lorsqu’elle lui avait dit qu’elle avait un ami, il lui avait répondu que ce n’était pas grave et qu’elle n’était pas obligée de le mettre au courant ; que lorsqu’il établissait les plannings, il s’arrangeait toujours pour finir le soir seul avec elle. Elle a précisé que le harcèlement dont elle se plaignait était essentiellement au niveau de la parole : « C’était surtout des attitudes, des regards, des sous-entendus qui rendait le travail pénible ». Elle a raconté, toutefois, qu’un jour qu’elle se trouvait seule avec lui dans une chambre froide, il l’avait prise par la taille en lui demandant si elle n’avait pas peur de se trouver seule avec lui dans ce lieu et qu’une autre fois, alors qu’elle lui disait avoir eu froid dans la chambre froide, il lui avait rétorqué qu’elle aurait dû l’appeler et qu’il l’aurait réchauffée. Une autre fois où elle expliquait son absence par une panne de véhicule, il lui avait dit avec un air ironique qu’elle aurait dû l’appeler et que pour le rattrapage des heures, « on allait s’arranger », ce qui l’avait mise mal à l’aise. Lorsqu’elle lui avait demandé à disposer d’un passe pour ne plus avoir à lui téléphoner lorsqu’elle rentrait dans le magasin, il lui avait répondu « quand j’aurai eu ce que je veux » et quand elle avait rétorqué qu’il risquait d’attendre longtemps, il lui avait dit qu’il n’abandonnait jamais. Elle faisait état d’une ambiance rendue malsaine par les avances insistantes et renouvelées de M. X..., de la nécessité de surveiller la moindre parole car elle pouvait donner lieu à une réflexion déplacée et des angoisses qu’elle ressentait lorsqu’elle devait se retrouver seule avec lui.
Mme A. Z... a indiqué qu’elle travaillait au Super U de V..., d’abord en mission d’intérim depuis le 7 décembre 2011, puis en contrats à durée déterminée à compter du 15 octobre 2012. Elle disait que dès novembre 2011, M. X... lui avait dit de façon insistante et renouvelée qu’elle était belle, mignonne et qu’il voulait sortir avec elle ; qu’elle lui avait signifié son refus. Lorsqu’il avait su qu’elle fréquentait un vendeur du magasin, il avait repris ses avances et ses propositions et s’était mis à dénigrer son ami. Le 25 janvier 2013, il avait prétendu devoir la voir dans son bureau parce qu’il « savait des choses sur son copain » et le soir même, il lui avait réclamé un baiser. Elle a fait état de « réflexions et de regards » et, qu’à partir du 26 janvier 2013, il lui avait envoyé des SMS et quand elle lui avait dit de cesser, il l’avait menacée en lui disant qu’elle « était sur la sellette » ainsi que son ami et qu’au moindre faux pas, elle serait sanctionnée. A l’inspecteur du travail, elle a fait part de sa peur de M. X... : « je ne veux pas aller en réserve seule… je stresse quand je finis tard… je me gare au plus près de la porte d’entrée car il y a le vigile avec son chien… je n’aime pas faire les fermetures seule avec M. X... ». Elle a précisé que son comportement avait entraîné chez elle un état dépressif et a remis aux enquêteurs un certificat médical daté du 30 janvier 2013 constatant qu’elle présentait « un syndrome anxio-dépressif qu’elle attribuait à un vécu professionnel difficile ».
Mme Y... et Mme Z... ne se fréquentaient pas en dehors du travail et ne se connaissaient pas autrement que comme collègues. Cependant, toutes deux relatent le même type de comportement insistant et d’invitations renouvelées en dépit des refus opposés, une attitude ironique et pleine de sous-entendus et des tentatives de contact physique (prendre par la taille, tenter d’avoir un « bisou »).