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Chantiers du bâtiment et du génie civil – Responsabilités du coordonnateur

Date de création :
sans objet
Date de mise à jour :
juillet 2022

Synthèse

La mission de coordination SPS est destinée à prévenir les risques pouvant résulter de la co-activité, c’est-à-dire des interventions simultanées ou successives d’entreprises différentes sur le chantier. La responsabilité du coordonnateur est liée à l’étendue de la mission ainsi définie.

Textes : Code du travail, art. L 4531-1 à L 4532-18 ; art. R 4532-1 à R 4533-7

 

La responsabilité civile du coordonnateur SPS

La responsabilité pénale en matière de sécurité du chantier

  • Nécessité d’examiner les missions et les moyens conférés à chaque intervenant

  • Prévention, gestion des co-activités et des interventions ultérieures

  • Responsabilité propre du CSPS

  • Illustrations

 

La responsabilité civile du coordonnateur SPS

Lorsque le coordonnateur intervient dans le cadre d'un contrat de louage d'ouvrage, il est tenu envers le maître d'ouvrage d'une responsabilité contractuelle ; aussi, dès lors qu'il ne respecte pas ses obligations, c'est le droit commun des contrats qui s'applique.

Lorsque le coordonnateur agit en tant que salarié, il est donc lié par un lien de subordination au maître de l'ouvrage, et sa responsabilité peut alors être engagée pour faute lourde. Dès lors que la faute du coordonnateur SPS aurait pu entraîner un préjudice à l'égard des autres intervenants, des tiers au contrat, c'est la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle qui pourrait être recherchée.

La responsabilité d’un coordonnateur a été retenue à hauteur de 20 % pour un sinistre intervenu en cours de chantier avant réception, celui-ci n'ayant pas signalé à l'entreprise le danger qui était lié au risque d'effondrement d'un mur, menaçant la sécurité des salariés qui travaillaient sur le chantier (Cass. civ. 3, 14 mars 2006, n° 04-20.730).

Dans une décision rendue le 14 mai 2012, la cour d'appel de Versailles a écarté la responsabilité du coordonnateur, qui avait été mis en cause pour avoir décidé d'ordonner l'arrêt des travaux, suite à l'inhalation d'une matière par quelques ouvriers qui avait entraîné leur intoxication : « la présence d'une matière dont il n'est pas contesté que son inhalation a indisposé les salariés de la société X, imposait l'interruption du chantier jusqu'à ce qu'il soit établi qu'elle ne présentait aucun danger pour la santé des personnes ; que la santé des personnels travaillant sur un chantier est une obligation qui incombe à tous les intervenants, y compris et non seulement au coordinateur SPS mais également à l'entreprise principale ; il ne peut donc être valablement reproché à la société SPS d'avoir suspendu ses travaux » (CA Versailles, 14 mai 2012, n° 11/01666).

La responsabilité pénale en matière de sécurité du chantier

Les accidents de chantier sont également susceptibles d’entraîner une responsabilité pénale lorsqu’ils induisent des atteintes involontaires à l’intégrité des personnes du fait d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

Pour plus de précisions, se reporter aux fiches pratiques : Responsabilité pénale - Vue d'ensemble - Atteinte involontaire à la personne - Défaut de prévention - Illustrations.

Nécessité d’examiner les missions et les moyens conférés à chaque intervenant

L’examen des responsabilités en cours de chantier impose de considérer, d’une part, les obligations légales ou réglementaires applicables aux différents intervenants à l’acte de construire, d’autre part, les missions, compétences et moyens dont chacun dispose au regard de la sécurité du chantier.

Il faut souligner également qu’aux termes du Code du travail (Code du travail, art. L 4532-5)., les dispositions nécessaires pour assurer aux personnes chargées d’une mission de coordination l’autorité et les moyens indispensables à l’exercice de leur mission sont déterminées par voie contractuelle, c’est-à-dire par les clauses spécifiques des contrats passés avec les différents intervenants.

Prévention, gestion des co-activités et des interventions ultérieures

L’article L. 4532-6 du Code du travail pose le principe selon lequel l’intervention du coordonnateur ne modifie ni la nature ni l’étendue des responsabilités des autres intervenants.

Chaque intervenant demeure donc responsable de la sécurité de ses propres personnels et matériels. Le coordonnateur vient gérer les interfaces de sécurité entre eux, pour se préoccuper par exemple :

  • des interactions entre entreprises (ex. : couvreur et maçon qui travaillent ensemble sur un ravalement) ;
  • des décisions du maître d’œuvre qui engagent la sécurité (ex. : le maçon ne doit pas démolir un mur lorsque le plombier est dessous) ;
  • des dispositions dessinées par le maître d’œuvre si elles ont des incidences sur la sécurité des personnes, pendant le chantier ou après (ex. : si le maître d’œuvre prévoit une grande verrière, il faut des échafaudages ad hoc pour poser les vitres, et éviter que le serrurier ne prenne un éclat dans l’œil de la part du vitrier. Il faut aussi vérifier qu’on pourra ensuite nettoyer cette verrière sans risquer à tout instant une chute mortelle) ;
  • des accidents du travail sur le chantier ;
  • des cantonnements (réfectoire, vestiaire, toilettes, douches).

Le coordonnateur n’a pas la qualité d’employeur, il ne dispose pas de délégation et ne saurait se substituer au maître d’œuvre. En ce sens, sa responsabilité ne peut être mise en cause à l’égard des responsabilités qui incombent à ces différents intervenants.

Cela d’autant que le Code du travail ne prévoit pas de sanction pénale applicable au coordonnateur SPS (Cour de cassation, chambre criminelle, n° 03-87949, 1er septembre 2005 - Cour de cassation, chambre criminelle, n° 07-80535, 8 avril 2008)

Responsabilité propre du CSPS

L’intervention d’un coordonnateur SPS a, cependant, une incidence pratique sur la manière dont pourrait être considérée la responsabilité des autres intervenants, pour deux raisons :

  • la responsabilité pénale générale liée aux atteintes involontaires à l’intégrité des personnes du fait d’imprudence, s’apprécie en fonction des éventuels négligences ou manquements à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ;
  • dès lors que la législation crée des obligations à la charge du coordonnateur SPS, celui-ci assume les responsabilités corrélatives.

La tâche de coordination de la sécurité échoit désormais à un intervenant identifié et spécialisé dans cette tâche. Il s’ensuit une responsabilité spécifique nouvelle, susceptible d’entraîner la qualification des infractions prévues par le Code pénal :

  • délit de risque causé à autrui, infraction qui vise la prise de risque inconsidérée et n’exige pas la réalisation d’un dommage (C. pén., art. 223-1) ;
  • délit d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité de la personne qui vise l’homicide et les blessures involontaires (Code pénal, art 221-6, 222-19, 222-20, R. 622-1, R. 625-2 et R. 625-3).

Illustrations

Les décisions suivantes illustrent en matière de coordination le critère de la faute commise par des coordonnateurs et qui a entraîné leur responsabilité pénale après survenance d’accidents mortels sur des chantiers :

  • Chute d’un ouvrier d’un échafaudage non sécurisé. Viole ses obligations légales et commet une faute le coordonnateur qui n’a donné aucune consigne quant aux ancrages d’un échafaudage constituant un accès commun à plusieurs entreprises et qui n’a émis aucune observation sur les sujétions afférentes à sa mise en place lors de l’inspection préalable. S’il avait fait respecter les règles de l’art et vérifié l’existence d’un nombre suffisant d’ancrages, la chute aurait été évitée. Sa faute en relation de causalité indirecte avec l’accident exposait autrui à un risque grave (chute de plus de dix mètres de hauteur). (CA Paris, Mon. TP, cahier spécial, 22 févr. 2002, p. 19.)
  • Accident d’un ouvrier dans un monte-charge de chantier. Le plan général de coordination était resté imprécis sur les moyens d’évacuation et de levage, et les conditions de son utilisation n’avaient pas été définies ; les plans particuliers des entreprises n’avaient pas non plus mentionné les conditions d’usage. Bien qu’ayant constaté l’usage effectif du monte-charge, le coordonnateur ne s’est pas assuré que la vérification de conformité prescrite avait été effectuée ni vérifié personnellement que les entreprises faisaient usage de ce matériel dans des conditions de sécurité suffisantes. La cour d’appel constate que le coordonnateur a pu laisser utiliser dans des conditions de danger cet équipement sans intervenir soit directement auprès des ouvriers soit auprès des entreprises et qu’il a ainsi commis une faute caractérisée (CA Paris, 2 avr. 2001 ; Juris-Data, n° 2001-154912).
  • Cas d’absence de mise en place du plan général de coordination. (CA Grenoble, 23 nov. 2000 ; Juris-Data, n° 2000-125453.)
  • Chute mortelle d’un ouvrier suite à une bascule de la nacelle qu’il avait empruntée pour effectuer en hauteur des travaux sur l’installation du chauffage dans l’atelier du chantier. L’ouvrier, salarié de la société L., ne disposait pas d’un échafaudage lui permettant d’effectuer son travail, ce qui l’a conduit à emprunter la nacelle normalement utilisée par une autre entreprise que la sienne. Suite à une manœuvre effectuée par la victime, non formée au maniement de l’engin, une roue de la nacelle avait pris appui sur un platelage léger recouvrant une fosse destinée à recevoir le support des rails. Le platelage qu’avait fait poser la société O., maître d’œuvre, avait alors cédé sous le poids de la nacelle. Le tribunal correctionnel de Strasbourg met en exergue l’absence de mesures de prévention rendues nécessaires par les cavités et le manque de coordination de la sécurité sur chantier ; le coordonnateur SPS aurait dû veiller aux mesures relatives à la circulation sur le site. Il aurait dû prévoir une obturation efficace des cavités. Il apparaissait qu’il avait bien eu connaissance du risque par un courrier que lui avait adressé antérieurement l’inspecteur du travail (trois mois d’emprisonnement avec sursis). Le tribunal retient également la responsabilité de l’entreprise qui n’a pas mis en place l’échafaudage (amende) et celle du maître d’œuvre qui n’a pas intégré l’organisation de la sécurité dans la planification du travail (amende). Le maître d’œuvre aurait dû établir un calendrier précis des interventions afin d’éviter les situations de co-activité et se rapprocher du coordinateur du chantier pour régler les questions soulevées par la présence du matériel indispensable au travail en hauteur, tandis que la circulation d’engins sur le chantier exigeait l’installation de plaques métalliques, ce qui fut fait après l’accident. (Tribunal correctionnel de Strasbourg, 25 février 2003 - Cour d'appel de Colmar, 24 juin 2005)
  • Un arrêt de la Cour de cassation rappelle, en revanche, que le coordonnateur SPS n’a pas à supporter les conséquences d’une insuffisance du plan particulier de sécurité et de protection de la santé PPSPS établi par l’entreprise intervenue sur le chantier. (Cass. 3e civ., n° 05-14.425, 11 mai 2006)
  • La Cour de cassation rappelle, par ailleurs, qu’il incombe au coordonnateur en matière de sécurité, dans la phase de réalisation de l’ouvrage, d’anticiper les situations de risque pouvant résulter notamment des dispositions prises par les entreprises intervenant sur le chantier. À défaut, il est susceptible d’engager sa responsabilité, au regard des articles 121-2, 121-3 et 221-6 du Code pénal. (Cour de cassation, chambre criminelle, n° 08-82847, 9 juin 2009).

 

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