Les fiches pratiques du droit de la prévention vous donnent une information précise et claire.
Dernière mise à jour : mars 2018
Synthèse
Le CHSCT peut faire appel à un expert quand un risque grave est constaté dans l'établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. L'employeur ne peut pas s'opposer à l'entrée de l'expert dans l'établissement. Il lui fournit les informations nécessaires à l'exercice de sa mission, les frais de l'expertise sont à sa charge. L'employeur peut, en revanche contester en justice la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise.
Textes : Code du travail, art. L. 4614.12 et L. 4614.13 et R. 4614.6 à R. 4614-19
Dans quels cas le CHSCT peut-il recourir à l’expertise ?
Le recours à un expert agréé par le ministère du travail a pour but d’aider le CHSCT à se construire un avis sur les conditions de travail et la santé des salariés de son entreprise.
Le CHSCT peut faire appel à un expert agréé (Code du travail, art. L. 4614-12) :
NB : suite aux ordonnances Macron, l'agrément des experts doit se transformer en habilitation à compter du 1er janvier 2018 et au plus tard le 1er janvier 2020. L'arrêté du 21 décembre 2017 est venu actualiser la liste des experts auxquels le CHSCT ou le CSE (Comité Social Economique) pourront faire appel sur la période de transition 2018-2020.
La jurisprudence
Le texte distingue le cas où il y a réalisation du risque, c'est à dire la survenance d'un sinistre, du cas où le risque est simplement potentiel :
L'existence d'un risque grave a été admise par les tribunaux dans les cas suivants :
L'existence d'un risque grave n’a pas été admise dans les cas suivants :
Dès lors qu’un projet important va modifier les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail, le CHSCT dispose de la latitude de faire appel à un expert extérieur. Le rôle de l’expert consiste alors à permettre aux membres du personnel au CHSCT de mieux analyser les conséquences du projet sur l’hygiène, la sécurité, la santé et les conditions de travail.
Le recours du CHSCT à un expert n'est pas subordonné à l'impossibilité du CHSCT de trouver dans l'établissement la solution du problème posé auprès des services spécialisés de l'entreprise (Cass. soc., 23 janv. 2002, n° 99-21.498). Il est possible alors même que d'autres entreprises sont concernées par ces modifications (Cass. soc., 29 sept. 2009, n° 08-17.023). Il semble également possible quand bien même le projet pourrait avoir des conséquences positives sur les conditions de travail ou la santé des agents (Cass. crim., 7 mars 2000, n° 99-85385).
Le recours à un expert a été admis dans les cas suivants :
Projets n’ayant pas été qualifiés de projets importants :
Le projet de recourir à expertise doit faire partie d’un point porté à l’ordre du jour d’une réunion du CHSCT Pour le moins, le risque ou le projet considéré doit faire partie de l’ordre du jour de la réunion.
Le CHSCT demande le recours à expertise par un vote pris lors d’une réunion ordinaire ou extraordinaire de l’instance. Le vote se fait par une délibération prise à la majorité simple des membres présents (Code du travail, art. L.4614-2). La majorité des présents doit s'entendre comme étant la majorité des membres du comité qui, d'une part, assistent à la séance au moment du vote et, d'autre part, ont le droit de vote.
Le président du CHSCT ne participe pas au vote car il ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel, la règle est la même que pour le comité d'entreprise (Code du travail, art L. 2325-18 - Circ. DRT 93-15, 25 mars 1993).
Le CHSCT doit adopter une motion précisant le contenu de la mission qui sera confiée à l’expert et le cabinet désigné.
L’expert doit être agréé dans les conditions prévues aux articles R 4614-6 et suivants du Code du travail. Un contact préalable peut éventuellement et utilement avoir été noué pour vérifier la disponibilité de l’expert.
La décision de recours peut utilement être accompagnée d’une décision complémentaire qui donne mission à un membre du CHSCT (généralement le secrétaire) pour faire exécuter la décision du CHSCT, notamment rechercher un expert agréé disponible, lui exposer la problématique et établir un cahier des charges, mais également, éventuellement, pour le représenter devant les tribunaux en cas d’action judiciaire.
La décision du CHSCT doit exposer clairement et précisément les premiers éléments démontrant la réalité de la situation de risque grave qui justifie le recours à l’expertise.
La délibération peut en effet être contestée au motif que l'expertise demandée ne correspond pas, par son objet, aux conditions requises par la loi (caractère non démontré de l'existence d'un risque grave), étant précisé que la désignation de l'expert n'a pas pour objectif d'établir l'existence du risque mais de l'analyser (CA Agen, 14 février 2012). La résolution du comité doit donc comporter des éléments de faits précis caractérisant la présence d'un tel risque (TGI Nanterre, 10 juin 2005). La régularité de la décision au regard des dispositions légales est appréciée à l'examen de la résolution votée en l'état (CA Paris, 24 mai 2006) et au regard de données objectives (TGI Nanterre, 30 sept. 2005). De sorte que l’utilité de la demande d'expertise peut être contestée eu égard au caractère très vague des termes de la délibération (CA Paris, 24 mai 2006)
Le CHSCT doit alors décider impérativement de faire appel à un expert avant de s’être prononcé sur le projet. En effet, le recours à l’expert étant destiné à lui permettre de rendre un avis motivé, le CHSCT n’aurait plus possibilité de se faire assister par un expert, dans le cas où cet avis serait déjà émis, sauf le cas de projet à réalisation échelonnée dans lequel chaque phase peut être assimilée à un sous-projet.
De même, le CHSCT ne peut décider de se faire assister par un expert, alors qu'il n'a pas encore été officiellement saisi du projet de réorganisation envisagé par l'entreprise (Cass. soc., 22 janv. 2008, n° 06-18.979).
La délibération devra là encore viser le projet en cause et en caractériser l’importance.
En ce cas, l'expertise doit être faite dans un délai de trente jours ; ce délai peut être prolongé pour tenir compte des nécessités de l'expertise ; le délai total ne peut cependant impérativement excéder quarante-cinq jours. Ces précisions figureront utilement dans la motion.
Dans le cas où il accepte la mission l’expert doit matérialiser son accord. Il doit s’engager sur sa disponibilité et faire connaître son acceptation de la mission dans les délais légaux impartis pour la réaliser.
L’expert retenu pourra ensuite analyser la demande des membres du CHSCT et établir un cahier des charges pour répondre aux besoins exprimés ou encore à ceux qui découlent de la situation.
D'une manière générale, l'intervention de l’expert relève de l’un ou des deux domaines suivants (circulaire DRT 93-15, 25 mars 1993) :
Une convention intégrant ce cahier des charges sera ensuite établie par l’expert et proposée à la Direction de l’établissement pour acceptation.
Si le chef d’établissement accepte l’expertise, le travail de l’expert peut commencer immédiatement, que la convention soit signée ou non. En effet, la convention n’est pas obligatoire pour le déroulement de l’expertise, elle constitue avant tout une garantie sur les délais ainsi que, éventuellement sur le périmètre de l’expertise, les méthodes ou les éléments à prendre en compte.
Le chef d’établissement fournit à l'expert les informations nécessaires à sa mission. Ce dernier est soumis à une obligation de discrétion
Les frais d'expertise sont supportés par l'établissement dont relève le CHSCT (Code du travail, art. L. 4614-13).
Deux hypothèses peuvent être envisagées :
Cette situation n’est pas envisagée par les textes mais serait assez fréquente en pratique. Elle résulte généralement d’une rupture du dialogue entre les parties.
Si, dans le secteur privé, les membres du personnel peuvent, le cas échéant, engager une action pour délit d’entrave, le code du travail prévoit expressément que le délit d'entrave au CHSCT n'est pas applicable aux établissements de santé visés à l'article 2 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986.
Il est, en revanche possible, pour les membres du personnel au CHSCT, de saisir le tribunal de grande instance pour faire appliquer la décision du comité. Pour cela une personne physique doit avoir reçu mandat explicite du CHSCT pour représenter l’instance en justice. Il a été jugé que le mandat donné par le CHSCT à l'un de ses membres pour agir en justice à l'occasion d'une affaire déterminée habilite celui-ci à intenter les voies de recours contre la décision rendue sur cette action (Cour de cassation, 19 mai 2015, n° 13-24887).
La juridiction peut suspendre le projet de réorganisation à défaut d’avis du CHSCT (Cass. soc., 25 sept. 2013, n° 12-21747 - TA Marseille, 27 juillet 2012, n° 1107178).
L'employeur ne peut s'opposer à l'entrée de l'expert dans l'établissement (Code du travail, art. L. 4614-13) de sorte qu’il est également possible de saisir le juge pour voir ordonner sous astreinte l'accès de l'expert dans l'établissement ainsi que la communication des informations et dossiers nécessaires à la réalisation de l'expertise (TGI Lyon, 23 juin 1989).
La suite dépendra des décisions de justice.
L'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, saisit le juge judiciaire (Code du travail, art. L. 4614-13).
En cas de contestation par l’employeur, le président du tribunal de grande instance statue en urgence sur les contestations de l'employeur relatives à la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise (Code du travail, art. R. 4614-19)
En application des dispositions de l’article L 4614-13 du Code du travail, le coût de l’expertise sollicitée par un CHSCT est à la charge de l’employeur. Toutefois, par une décision du 27 novembre 2015, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de cassation, a censuré cette règle imposant à l’employeur de prendre en charge les frais d’une expertise sollicitée par le CHSCT, notamment lorsqu’elle a été annulée par le juge.
Le recours exercé par l'employeur en annulation de la décision du CHSCT n’est, en effet, pas suspensif, de sorte qu'il arrive très souvent que l'expertise ait été réalisée au jour où l'employeur en obtient en justice l'annulation. Or, la Cour de cassation a jugé que, même dans cette hypothèse, l’employeur demeure redevable des frais engagés à ce titre (Cass. soc., 15 mai 2013, n° 11-24.218). La Conseil constitutionnel a estimé qu’il résulte de cette règle une méconnaissance du droit de l'employeur à un recours juridictionnel effectif et une atteinte à son droit de propriété. Il a déclaré, en conséquence, non conformes à la Constitution l’alinéa 1er et la première phrase de l’alinéa 2 de l’article L. 4614-13 du Code du travail. Pour éviter cependant de supprimer brutalement le droit du CHSCT de recourir à un expert, le Conseil constitutionnel a fixé au 1er janvier 2017 la date d’effet de l’abrogation des dispositions jugées inconstitutionnelles. Il s'ensuit que, jusqu’à l’intervention d’une loi réformant le droit en la matière, les dispositions actuelles, bien qu’inconstitutionnelles, demeurent en vigueur. L’employeur est donc toujours tenu de payer les frais d’une expertise sollicitée par le CHSCT, même s’il en obtient l’annulation en justice. On peut penser que la réforme pourrait se borner à modifier les voies de recours de manière à les rendre effectives sans porter atteinte au principe selon lequel la charge des frais d'expertise repose sur l'employeur lorsqu'elle est justifiée.
L'action de l'employeur en contestation de l'expertise décidée par le CHSCT n'est soumise, en l'absence de texte spécifique, qu'au délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du Code civil. Elle se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où son titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (Cour de cassation, 17 février 2016, n° 14-15.178).
La contestation peut ne porter que sur l’étendue de l’expertise et les modalités et les moyens à lui consacrer.
Le CHSCT choisit librement l’expert. Le juge n'a pas à exercer de contrôle sur ce point, dès lors que l'expert est effectivement agréé (Cass. soc., 26 juin 2001, n° 99-16.096), tandis que l'employeur ne peut pas demander l'annulation de la désignation en mettant en doute la compétence de l'expert (Cass. soc., 8 juill. 2009, n° 08-16.676).
Le juge peut en revanche être amené à statuer sur l’étendue de la mission de l’expert. Ainsi, dans un cas où les juges du fond relèvent que l'expertise sert de prétexte à une remise en cause de la politique générale de l'entreprise en matière d'organisation du travail, ils peuvent décider de redéfinir la mission de l'expert, et la cantonner à l'analyse et à la prévention du seul risque constaté (Cass. soc., 11 févr. 2004, n° 02-10.862).
L'employeur peut contester le coût de l'expertise (Cass. soc., 26 juin 2001, n° 99-11.563).
Il est possible, à cet égard, de se référer à la jurisprudence établie dans le cas de contestation de la rémunération de l'expert-comptable du comité d'entreprise qui admet que le juge puisse décider de réduire le montant des honoraires réclamés par l'expert (Cass. soc., 10 juill. 1995, n° 92-17.010) notamment lorsque :