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Newsletter #3 Décembre 2018

Rapport LECOCQ

Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée

Le Premier ministre avait confié en janvier dernier à Mme Charlotte Lecocq (1), députée du Nord, le soin de conduire une mission relative à la santé au travail. Les objectifs de cette mission portaient en premier lieu sur l’évaluation de la performance de notre système de prévention des risques professionnels, et en second lieu sur les leviers, notamment organisationnels, permettant d’améliorer cette performance.

A l’issue de six mois de travail et de nombreuses rencontres avec des salariés, des chefs d’entreprise et des partenaires sociaux, la mission a remis fin août son rapport au Premier ministre.
Il vise à transformer en profondeur notre système de prévention des risques professionnels pour le rendre plus lisible et plus efficace.
En premier lieu, le rapport indique que le système actuel est source d’inefficacités, en large partie du fait d’une construction par strates successives : il mobilise un grand nombre d’acteurs, avec des moyens budgétaires très significatifs. Il génère des doublons, des interférences et nécessite une coordination très consommatrice de ressources, notamment en temps. Les rapporteurs proposent donc de réunir l’ensemble des acteurs aux différents niveaux de mise en œuvre (national et régional) sous le même toit et sous une même bannière (France Santé au travail et des structures régionales de droit privé en étroite relation). Il s'agirait de créer un organisme public, placé sous la double tutelle des ministères du travail et de la santé, qui concentrerait « l’expertise nationale en matière d’ingénierie de prévention » en regroupant l'ANACT, l'INRS et l'OPPBTP (2). Cette structure nationale aurait pour mission principale d'assurer le déploiement du PST (plan santé au travail). Cette mesure vise plus spécifiquement le secteur privé mais le reste de cet édito (et notamment les 2 mesures détaillées ci-dessous) concerne à la fois le secteur privé et public.

En second lieu, concernant le rôle des préventeurs, le rapport mentionne un « objectif ambitieux […]  d’offrir à terme un système qui serait résolument tourné vers la promotion simultanée de la santé et de la performance globale de l’entreprise. Un niveau de maturité supérieur serait non plus de faire de chacun un préventeur mais un promoteur d’un milieu de travail simultanément propice à l’efficacité économique et au bien-être au travail, ce qui implique cette fois tous les acteurs et décideurs du développement économique. Il n’est en effet pas de performance économique sans performance sociale de l’entreprise […] ». 

Enfin, ce rapport liste 16 recommandations dans le but d’améliorer la prévention et la prise en compte de la QVT (Qualité de Vie au Travail), dont deux sont reprises ci-dessous :
1)    La simplification du DUER (Document Unique d’Evaluation des Risques) c’est-à-dire la volonté de limiter la formalisation de l’évaluation aux risques majeurs dans les plus petites entreprises  et de rendre obligatoire un seul document qui s’appellerait désormais le « plan de prévention des risques » (se substituant ainsi au DUER).
« De même pourrait-il être opportun, dans un souci d’efficacité et d’effectivité, de desserrer la contrainte du formalisme du document unique exhaustif d’évaluation des risques au profit d’un plan d’action de branche ou par entreprise ciblé sur les populations les plus exposées aux principaux risques de leur profession, assorti d’indicateurs de progrès aisément vérifiables. »

2)    La volonté de simplifier le suivi de la réglementation : « revisiter […]  la réglementation pour la faire évoluer vers une simplification et une recherche d’efficacité réelle », « rendre les décrets applicables à titre supplétif lorsque l’entreprise adopte des dispositions de prévention qui répondent au même objectif que la réglementation sans en suivre les modalités d’application concrètes ». Cette recommandation concerne notamment la partie IV du Code du travail applicable à la fonction publique.
Le rapport détaille d’ailleurs l'exemple de la coordination de la prévention en cas de co-activité, que cela soit sur des chantiers du BTP ou en cas d'intervention d'une entreprise extérieure dans une entreprise utilisatrice. Des situations « d’articulation complexe et ne couvrant pas l’intégralité des configurations de travail possibles », commente le rapport. Les entreprises (ou collectivités) concernées pourraient développer leur propre disposition de coordination, et ainsi ne pas avoir à strictement appliquer la réglementation.

La recommandation n° 16 « Conduire une réflexion pour l’amélioration de la santé et de la QVT de la fonction publique » concerne la fonction publique spécifiquement. Elle indique que « le champ de la mission ne couvre pas celui de la fonction publique, celui-ci n’a donc pas été abordé. Néanmoins, les nombreux témoignages provenant des fonctions publiques incitent la mission à proposer que les recommandations qui peuvent être transposées prennent part dans la réflexion conduite sur la réforme de la fonction publique nationale, territoriale et hospitalière ».

 

 

Notes de bas de page
(1)    Cette Mission a été confiée à Mme Lecocq, ainsi qu’à M. Bruno Dupuis, consultant et M. Henri Forest, ancien secrétaire confédéral CFDT, avec l’appui de Hervé LANOUZIERE (aujourd’hui à l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) mais à l’époque directeur de l’ANACT.
(2)    ANACT : Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail, INRS : Institut National de la Recherche et de la Sécurité, OPPBTP : Organisme Professionnel de Prévention pour le BTP
 

Focus sur...

ZOOM SUR LE RISQUE RADON

Suite à la transposition de la directive 2013/59/Euratom au 1er juillet 2018, la France a dû modifier les dispositions réglementaires relatives à la prévention des risques d'exposition aux rayonnements ionisants. En particulier, les émanations de radon sur le lieu de travail, jusqu'alors assez peu prises en compte, sont devenues un élément à intégrer lors de l'évaluation des risques, deux seuils étant fixés : 300 Bq/m3(Becquerels par m3) pour la concentration en radon, et 6 mSv/an (milli Sievert par an) pour la dose du travailleur ou de l’agent. Dans ce zoom, le terme employeur peut être remplacé par « autorité territoriale », l’ensemble de cette réglementation étant applicable de la même façon à la fonction publique. 

 

Qu’est-ce que le risque « radon » ?
Le radon (Rn) est un gaz radioactif inodore, incolore et inerte. Il provient de la transformation d’éléments radioactifs présents dans les roches granitiques et volcaniques. Il émet des rayonnements ionisants alpha (α). Présent dans les sols, le radon est la composante principale de la radioactivité naturelle de l’environnement. Il migre dans l’air ambiant à travers les pores du sol et les fissures des roches. Le radon peut aussi s’exhaler de certains matériaux de construction utilisant des roches naturellement radioactives comme le granit, le gneiss ou le basalte.
Le radon et ses descendants représentent en France le tiers de l’exposition moyenne de la population aux rayonnements ionisants, toutes origines, naturelles et artificielles, confondues.  Il est classé comme seconde cause de cancer du poumon derrière le tabac.
 
 

Quelles sont les dispositions réglementaires ?
Depuis le 1er juillet 2018 la prévention de l'exposition aux rayonnements ionisants concerne chaque employeur, même si le radon n'est pas lié à l'activité professionnelle.
En effet, le législateur a décidé de renforcer les exigences en matière de gestion du risque Radon et notamment :

1)    Abaissement du niveau de référence (valeur limite)
Le niveau de référence pour le radon en milieu de travail a été abaissé à 300 Bq/m3 au lieu de 400 Bq/m3en valeur moyenne annuelle (Article R4451-10)(1).

Pour aller plus loin :
Vous pouvez estimer votre exposition aux rayonnements ionisants sur le site de l’IRSN : https://expop.irsn.fr


2)    Evaluation du risque radon à tous les lieux de travail en sous-sol et RDC
Le contrôle des expositions au radon a été étendu à tous les lieux de travail se trouvant en sous-sol et rez-de-chaussée alors que seuls les milieux souterrains étaient soumis auparavant à une surveillance obligatoire.
L'employeur doit évaluer les risques résultant de l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants en sollicitant le concours du « salarié compétent pour s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l'entreprise » (voir article L4644-1), ou, s'il l'a déjà désigné, du conseiller en radioprotection.
Cette évaluation a notamment pour objectif de constater si, dans une situation donnée, le niveau de référence pour le radon est susceptible d'être dépassé (article L. 4451-13).
Les résultats de l'évaluation des risques sont consignés dans le document unique d'évaluation des risques. Les résultats de l'évaluation et des mesurages doivent être conservés sous une forme susceptible d'en permettre la consultation pour une période d'au moins dix ans (article R4451-16).


Quels sont les endroits concernés en France ?
En juin 2018, un arrêté est venu délimiter les zones à potentiel radon à l’échelle communale du territoire français. Cet arrêté classe l’ensemble des communes de France selon 3 catégories :
•    Catégorie 1 : Les communes à potentiel radon de catégorie 1 sont celles localisées sur les formations géologiques présentant les teneurs en uranium les plus faibles.  
•    Catégorie 2 : Les communes à potentiel radon de catégorie 2 sont celles localisées sur des formations géologiques présentant des teneurs en uranium faibles mais sur lesquelles des facteurs géologiques particuliers peuvent faciliter le transfert du radon vers les bâtiments.
•    Catégorie 3 : Les communes à potentiel radon de catégorie 3 sont celles qui, sur au moins une partie de leur superficie, présentent des formations géologiques dont les teneurs en uranium sont estimées plus élevées comparativement aux autres formations. 

Pour aller plus loin :
L’IRSN tient une carte interactive sur laquelle il est très facile de connaître la zone d’une commune : http://k6.re/tTc1g

 
Comment évaluer ?
Toutes les entreprises, toutes les collectivités n’ont pas un risque radon dans leurs locaux ; elles ne devront donc pas forcément réaliser des mesurages, ni obligatoirement réaliser des travaux pour réduire le risque, ni équiper tous les travailleurs de dosimètres. Voici la démarche que vous pouvez suivre sur ce sujet :
 
ETAPE 1 : Connaissance du potentiel radon de sa commune.
Consultation de la carte interactive IRSN (http://k6.re/tTc1g) :
a.    Si la commune est située en zone 3 et que l’on a des lieux de travail en rez-de chaussée ou en sous-sol, il faut faire des mesurages. Les résultats de la campagne nationale de mesure en France métropolitaine montrent en effet que plus de 40% des bâtiments situés sur ces terrains dépassent 100 Bq/m3 et plus de 6% dépassent 400 Bq/m3.
b.    Si la commune est en zone 2, une réflexion doit s'engager entre les différents acteurs de la prévention afin de mener une étude plus approfondie sur les lieux de travail existants.
c.    Si l’on est en zone 1, l’instruction nous indique alors que « lorsque le lieu de travail se situe dans une zone à potentiel radon faible […] et que l’employeur n’a pas connaissance d’élément laissant supposer une concentration d’activité de radon dans l’air supérieur au seuil fixé[…] le risque associé peut être négligé du point de vue de la radioprotection et l’employeur peut ne pas réaliser les mesurages ».
 
ETAPE 2 : En zone 3 ou en cas de doute, réalisation de mesures.
Des DSTN (Détecteurs Solides de Traces Nucléaires) pour le radon sont disponibles dans le commerce. Le mesurage se fera plutôt dans les parties basses du bâtiment. S'il y a des postes de travail en sous-sol, c'est en priorité là qu'il faudra aller mesurer la concentration de radon.
Les résultats de l'évaluation des risques et des mesurages doivent être communiqués aux professionnels de santé et au comité social et économique (article R4451-17).
 
ETAPE 3 : Le dosimètre dépasse les 300 Bq/m3, obligation de mener des actions visant à réduire l’exposition des personnes (aération des pièces, étanchéification des sols, réparation ou amélioration du système de ventilation existant, limitation du temps de présence, …).
Question à se poser (par exemple) : le local est-il bien ventilé ? Selon les experts de l’IRSN, dans la plupart des cas, lorsque les règles du code du travail concernant l'aération et le renouvellement d'air sont respectées, le seuil de 300 Bq/m3 n’est pas atteint. Il suffit donc souvent de réparer la ventilation, ou d'en installer une plus performante pour pouvoir repasser sous le seuil des 300 Bq/m3.
 
ETAPE 4 : Si le dosimètre reste au-dessus de 300 Bq/m3, obligation de calculer la dose reçue par le travailleur. L'objectif est désormais de savoir s'il y a des lieux de travail pour lesquels l'exposition des travailleurs dépasse les 6 mSv/an de dose reçue. Si oui, il sera alors nécessaire de mettre en place :
a.    une organisation de la radioprotection,
b.    un zonage « radon » (article R. 4451-23),
c.    une évaluation individuelle de l’exposition des travailleurs (article R4451-52 et suivants),
d.    une surveillance individuelle dosimétrique des travailleurs et un suivi renforcé de leur état de santé (article R4451-64 et article R4451-82).

Retour en détail sur la nouvelle réglementation : fiche « rayonnements ionisants : cas particulier du radon » 
 
 

Bibliographie
Guide sur la gestion du risque du radon (attention : ce guide est, à la date du 8 novembre 2018, en attente de mise à jour suite aux modifications de réglementation survenues en juin 2018) : http://k6.re/cDk7M
Instruction DGT/ASN/2018/229 du 2 octobre 2018 relative à la prévention des risques d’exposition aux rayonnements ionisants

 

Notes
(1) Le becquerel (Bq) correspond à une désintégration par seconde. Le Bq/m3 est l’unité de mesure de la concentration en radon dans l’air. Le sievert (Sv) permet d'évaluer l'impact des rayonnements sur un organisme. Rapporté à une durée (mSv/an), il donne la dose.