Les fiches pratiques du droit de la prévention vous donnent une information précise et claire.
Dernière mise à jour : mars 2018
Synthèse
Lorsque l’activité administrative génère des dommages aux tiers, ils doivent être réparés. Il importe alors de savoir qui, de la personne publique ou de l’agent éventuellement fautif, va devoir assumer la charge de la réparation.
La jurisprudence administrative distingue à cet égard selon que la faute commise par l’agent est une faute de service ou peut être considérée comme détachable du service.
Textes : Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, art. 11
Engagement de la responsabilité de l’administration
Faute de service et faute personnelle
Lorsque l’activité administrative génère des dommages à des tiers, ceux-ci doivent faire l’objet d’une réparation.
Toute personne victime d’un dommage qui trouve son origine dans l’action de l’administration, peut ainsi obtenir réparation par la voie d’un recours indemnitaire. Cela est admis dans tous les domaines de l’activité administrative y compris en ce qui concerne l’activité législative et judiciaire.
Une fois la responsabilité administrative admise, la question se pose de savoir qui, de la personne publique ou de l’agent éventuellement fautif, va devoir assumer la charge de la réparation.
Depuis longtemps la jurisprudence administrative distingue à cet égard selon que la faute commise par l’agent est une faute de service ou peut être considérée comme détachable du service (Tribunal des conflits, n° 00035, 30 juillet 1873, Pelletier). Elle définit la faute personnelle comme celle qui se détache assez complètement du service pour que le juge judiciaire puisse en connaître sans pour autant porter des appréciations sur l’activité de l’administration.
La responsabilité de l'administration n'est "ni générale, ni absolue", et ainsi, toutes les fautes, même avérées, ne sont pas susceptibles de l'engager : la faute doit revêtir un certain degré de gravité.
La jurisprudence administrative a progressivement réduit le champ des activités pour lesquelles une faute lourde est exigée. Une faute simple suffit désormais, en principe, à engager la responsabilité de l'administration. Ainsi, par exemple, n'est-il plus nécessaire d'apporter la preuve d'une faute lourde pour engager la responsabilité des services de lutte contre l’incendie.
De même, en matière médicale, l’exigence d’une faute lourde a disparu. Seule la faute simple est requise, tant pour l’organisation et le fonctionnement du service public hospitalier que pour les activités médicales et chirurgicales (Conseil d'Etat, n° 79027, Assemblée, 10 avril 1992, Epoux V.).
Néanmoins, dans certains cas, la faute lourde est toujours requise, c’est le cas pour :
En principe, la victime doit apporter la preuve d'une faute de l'administration. Pourtant, dans certains cas, la jurisprudence admet la présomption de faute :
Il ne s'agit pas là d'un régime de responsabilité sans faute, mais plutôt d’un retournement de la charge de la preuve. La victime doit établir un lien de causalité entre le fait de l'administration, présumé fautif, et le préjudice, tandis que la même administration peut s'exonérer si elle parvient à prouver l'absence de faute.
La responsabilité sans faute est engagée dans deux cas :
La responsabilité pour risque est engagée en cas de chose ou d'activité dangereuse entraînant un préjudice. On peut citer, à titre d’exemples, le dépôt d'explosif qui explose ou la mise en œuvre de méthodes dangereuses telles la sortie d'essai pour les malades mentaux ou la permission de sortie pour les détenus.
Cette même responsabilité est également engagée au profit des collaborateurs occasionnels ou bénévoles du service public, comme, par exemple, en cas d’accident lors d'une sortie scolaire accompagnée par des parents d'élève.
Pour qu’il y ait réparation, le préjudice doit pouvoir être imputé à l’Administration. Une relation de causalité doit donc être prouvée, de nature directe, entre l'action dommageable et le préjudice lui-même.
Cette causalité doit être démontrée par la victime elle-même.
La responsabilité de l’administration peut être écartée, partiellement ou totalement, dans certaines circonstances. En ce cas, il revient à l'administration d'établir la circonstance qui puisse permettre d’exonérer ou d’atténuer sa responsabilité.
Un événement extérieur à l’activité administrative et présentant un caractère imprévisible et irrésistible est susceptible d'exonérer l'administration de sa responsabilité.
Le fait de la victime est considéré comme pouvant exonérer, ou atténuer la responsabilité de l'administration, et ce, indépendamment du régime de responsabilité appliqué.
Les faits ainsi visés comprennent évidemment le cas de la violation d'une obligation légale par la victime, mais également le cas de son imprudence, ou encore lorsque la situation risquée dans laquelle s'est elle-même placée la victime est à l'origine du dommage ; on parle alors d'exception du risque accepté.
Toutefois, la responsabilité de l’administration peut n’être qu’atténuée si le comportement de l’administration a concouru à aggraver le dommage
La faute de service est celle commise par les agents de l’administration dans le cadre de leur fonction ; la faute est alors imputable au service et non à l’agent. Les agents ne sont donc pas personnellement responsables des fautes qu’ils commettent dans l’exercice de leur activité. La responsabilité de l’administration est alors seule mise en cause, même si l’agent à l’origine du dommage a bien été identifié.
Les agents sont en effet protégés, bien qu'ils puissent être sujets à des sanctions administratives (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, art. 11) :
I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire.
II.-Lorsque le fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable au fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui.
Les modalités de la protection ont été précisées par la circulaire du ministère chargé de la Fonction publique, DGAFP-B8 n° 2158 - du 5 mai 2008, relative à la protection fonctionnelle des agents publics.
Une faute de service correspond à une défaillance dans l'organisation ou le fonctionnement normal du service public. Elle peut consister en un fait matériel ou en un acte juridique. Elle peut résulter d’une action, d’une abstention ou d’une omission. Elle peut être collective et anonyme, ou imputable à une personne physique individualisée.
Dans tous les cas, la faute qui n'est pas détachable du service n'entraîne pas la responsabilité personnelle de son auteur.
La faute personnelle peut prendre plusieurs aspects, selon le degré de leur proximité avec le service. La faute, même personnelle, mais "non dépourvue de tout lien avec le service" n'exonère pas l'administration de sa responsabilité. Ainsi, il existe plusieurs types de faute personnelle :
Si la faute personnelle ouvre l'action en réparation contre l'agent au nom de sa responsabilité civile, celle non dépourvue de lien avec le service ne peut avoir pour conséquence de dégager l'administration de sa responsabilité à l'égard de la victime.
Quand le préjudice subi trouve son origine dans deux fautes, l’une personnelle et l’autre de service, la victime dispose alors de la possibilité de demander la réparation de la totalité du dommage à l’administration devant le juge administratif ou de demander la réparation de la totalité du dommage à l’agent devant le juge judiciaire (Conseil d’Etat, 3 février 1911, n° 34922, Anguet). C’est ce que l’on appelle le cumul de fautes.
Si une même faute s'analyse à la fois comme une faute de service et comme une faute personnelle, cette faute est susceptible d’engager la responsabilité de l’agent devant les tribunaux judiciaires et celle de l’administration devant le juge administratif. Cette hypothèse ne s’applique qu’en cas de faute personnelle non dépourvue de lien avec le service ou détachable de ce dernier. On parle alors de cumul de responsabilités (Conseil d’Etat, 26 juillet 1918, n° 49595, époux Lemonnier). La victime peut réclamer réparation à l'administration ou à l'agent.
Dans le cadre d'un cumul de fautes ou de responsabilité, si l'administration, l’agent ou les agents ainsi condamnés peuvent ensuite engager une action récursoire devant le juge administratif. L'administration condamnée sur la base d'une faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service peut engager une action contre l'agent fautif afin de récupérer tout ou partie de la somme versée en dédommagement (Conseil d’Etat, n° 01074, 28 juillet 1951, Laruelle). Réciproquement, l'agent peut obtenir de l'administration le remboursement d'une partie de l'indemnité versée en cas de partage de responsabilité (Conseil d’Etat, n° 04032, 28 juillet 1951, Delville). Pour le fonctionnaire, cette action est garantie par le statut général de la Fonction publique.
Quand l’administration a indemnisé un dommage causé uniquement par la faute d’un agent, elle peut réclamer à l’agent le remboursement de l’intégralité des dommages et intérêts. En outre, elle peut également lui demander la réparation du dommage qu’elle a elle-même subi. Quand l’administration a indemnisé un dommage causé par la faute non dépourvue de tout lien avec le service, elle ne peut demander à l’agent de rembourser qu’une partie du dommage.
Les règles de compétence sont résumées par le tableau suivant :
Juge administratif |
Juge judiciaire
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Responsabilité pour faute de l’administration : Responsabilité sans faute sur la base du risque créé par le service |
Cumul de fautes agent et service Faute de l’agent ayant un lien avec le service |
Faute personnelle Faute détachable du service Faute particulièrement lourde et inexcusable |
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Collectivités ou établissements |
Cumul de responsabilités |
Agents |
L’action récursoire de l’administration contre un agent et l’action en responsabilité intentée par l’administration contre l’agent sont exercées devant la juridiction administrative.
Le préjudice doit être direct, certain, personnel et évaluable financièrement. Si l’action en responsabilité se situe sur le terrain de la responsabilité sans faute pour rupture de l’égalité devant les charges publiques, le préjudice devra par ailleurs être anormal et spécial.
La réparation du préjudice causé se fait le plus souvent en numéraire ; mais la réparation en nature peut être demandée à titre facultatif. Toutefois, les conclusions d'une requête devant le juge administratif doivent être chiffrées. Le chiffrage ne lie pas le juge dans l'évaluation du préjudice à laquelle il procède… mais le juge ne pourra statuer au delà du montant total réclamé par le requérant.
L'indemnité doit réparer intégralement le préjudice, mais sans l'excéder,. En effet, une personne publique ne doit jamais être obligée de payer une somme lorsqu'il est avéré qu'elle ne la doit pas.
En ce qui concerne les dommages matériels, l'évaluation des dégâts doit être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il peut être procédé aux travaux destinés à les réparer. Les éventuels retards de la victime à procéder aux réparations lui incombent, sauf si ladite victime peut prouver qu'elle était pour cela confrontée à une impossibilité, par exemple financière.
En ce qui concerne les dommages corporels, le préjudice est évalué à la date à laquelle le juge statue, avec prise en compte de toutes les modifications intervenues jusqu'alors, y compris la prise en compte de la responsabilité qui peut incomber à l'intéressé dans le retard apporté à la réparation du dommage.